Masques de Roumanie

            

Dans toute l’Europe, la tradition des masques dans les fêtes populaires est encore bien vivante sous des formes très variées. Ces fêtes tapageuses trouvent leurs racines dans des rituels païens, avec un rapport direct au monde animal et végétal, au cycle des saisons. Elles ont paradoxalement été maintenues en vie par le clergé chrétien qui, incapable de combattre ces traditions liées à des croyance animistes, chamaniques, polythéistes, les a intégrées à son propre calendrier.

En Europe occidentale on connaît surtout le Carnaval, qui a lieu avant ou pendant le carême, c’est-à-dire à la fin de l’hiver. En Europe orientale il y a les « Mascarades », qui interviennent plutôt entre Noël et le Jour de l’an. C’est le cas en Roumanie, où Alban Lebrun est allé à la recherche de ces traditions survivantes d’un étonnant passé.            

Tout au long de l’année, dans le village, un groupe d’hommes (les femmes sont exclues) se rassemble pour préparer les masques, les costumes, répéter la musique, les chants, la danse. Les rôles sont archétypés, et sont répartis d’une manière bien précise. Suivant les régions, avec plus ou moins d’importance, on retrouve les figures humaines types : le bourgeois, la bourgeoise, le policier, la tzigane. Mais aussi des figures animales : l’ours, la chèvre, le cerf. Et enfin, des personnages métaphoriques : l’envieux, le diable, l’homme sauvage… Ces manifestations des masques sont rarement institutionnalisées, et quand elles le sont elle débordent largement les parcours autorisés.

À Chiuzbaia dans les Maramures, le 24 décembre, un groupe de jeunes garçons attend patiemment dans la neige la sortie de la messe. Ils portent des masques rectangulaires en toile de laine, avec des pompons rouges le plus souvent (rouge pour détourner le regard du diable). Comme attirail : des cornes, des cloches de vaches et un long fouet de chanvre tressé. Ils s’apprêtent à fouetter les jambes des fidèles qui sortent de l’église. Cela pour porter bonheur pour l’année à venir !

À Putna en Bucovine, le 31 décembre, la Malanka, composée d’un groupe d’hommes adultes, se déplace de maison en maison et joue avec cérémonie l’ensemble de chorégraphie rituelle. La mort et la résurrection de l’Ours sont très attendues. Accompagné de cuivres et de percussions, le chant est plutôt scandé que chanté. La visite de chacune des maisons apporte bonheur et fertilité pour la nouvelle année. On remercie les participants en leur offrant à boire, mais on ne verra pas leurs visages. Il se sont mis en route le 31 décembre à midi devant l’hôtel de ville, et leur circuit durera jusqu’à l’aube du premier janvier.

À Târgu Neamt, tous les villages alentour ont investi la rue principale de la ville le 2 janvier, en groupes distincts. On voit un véritable troupeau d’ours se rouler par terre. On entend le clap clap clap des chèvres qui claquent leur mâchoires de bois, entre lesquelles les enfants jouent à se faire peur en y glissant les mains. Il y a même des groupes de tziganes, reconnaissables à leurs costumes bariolés et couverts de paillettes, qui, une fois n’est pas coutume, ont leur place dans la société roumaine à l’occasion de cette grande festivité.